Entretien avec Nathalie Sonnac (maître de conférences à l’Institut français de presse de l’université de Paris-II. Docteur en sciences économiques, elle dirige des recherches en sciences de l’information et de la communication. Elle a publié aux Editions La Découverte, L’industrie des médias avec Jean Gabszewicz en 2006, et Economie de la Presse avec Patrick Le Floch en 2005).
Qu’est ce qu’une information?
L’information c’est un bien totalement atypique. C’est véhicule de démocratie, un facteur de rencontre sociale, de valeur culturelle. Elle a aussi une caractéristique de non-rivalité -> la consommation de ce bien par un individu ne diminue pas la consommation de ce même bien par un autre individu (= film, émission… par ex, valable pour les biens médiatiques en général). Ceci a d’importantes conséquences d’un point de vue économique. C’est également un bien tutélaire pour lequel l’Etat intervient (on considère qu’il est bon que les citoyens aient une pluralité de sources d’information… ou non). C’est enfin un marché dual : pour que le produit soit accesssible au plus grand nombre et pour que sa diversité soit grande, le coût de production est extrêmement élevé, mais le coût de reproduction est très bas -> structure atypique qui oblige les groupes médiatiques à amortir ces coûts de production en le diffusant à très large échelle. De ce point de vue, la numérisation des médias a considérablement boulversé l’économie de la diffusion de l’information.
Une autre source de financement est évidemment la publicité associé aux médias, qui vendent leur présence auprès des consommateurs aux industriels.
Un média?
Un intermédaire entre des individus qui cherche à s’informer, se divertir, se cultiver et des professionnels qui doivent trier l’information et jouer le rôle d’intermédaire entre deux.
Sur quelle base repose la transformation de ce paysage des médias?
Actuellement, les marchés sont devenus extrêmement concentrés sans qu’on ait observé une diminution de la diversité de l’offre. Il y a 30 ans, ces marchés étaient mieux segmentés (entreprises de radio, de TV, ou de presse écrite… bien séparées).
Qui possède aujourd’hui les médias et comment se construit une architecture financière et industrielle sur des biens d’un type à la fois si particulier et si varié que l’information, le divertissement et la culture?
Nous passons d’un modèle économique actuel (ancien) d’un double financement (publicité et spectateur) à un modèle dans lequel la privatisation des médias tend à un financement unique (publicité) qui rend l’information accessible au consommateur de manière (presque) gratuite (via internet par exemple). Cela reconfigure le marché dans la mesure où il y a un acteur économique qui a de plus en plus de poids et d’incidence sur le contenu médiatique. De plus en plus, les consommateurs ne sont plus près à payer pour de la culture ou du divertissement avec pour conséquence que la régulation de l’industrie des médias se fait sous la pression des annonceurs. Cela risque de dénaturer le moyen de diffuser l’information et ainsi la manière dont le consommateur va avoir accès à celle-ci (diversité, par exemple).
Exemple de financement : presse d’information quotidienne -> 50% lecteurs / 50% annonceurs. Magazine -> la part des annonceurs peut aller jusqu’à 80%. Internet absorbe une partie importante du financement publicitaire et il offre également la possibilité aux annonceurs de mieux maîtriser de manière fine à qui ils s’adressent et comment.
(voir sur le site du Monde – technologie : La publicité sur Internet devrait surmonter la crise)
Qualité des programmes TV ?
Une étude menée en France a mis en évidence qu’en moyenne les français passent plus de 3 heures par jour devant la télévision… mais lorsqu’on leur demande s’ils ont apprécié les programmes, 60% répondent que non… qu’ils se sont ennuyés…
Intéressant non !?